Intense dit-il

J'ai cessé d'écrire comme de vieillir un soir d'avril. Ce soir-là la mer était brune, marron, et presque noire aux confins. Elle charriait déjà sur les brise-lames une odeur d'algues, de parchemin et de pourriture. Dans cette écume, j'ai jeté pêle-mêle un bon milliers de pages éparses, mêlées, une centaine de nouvelles, deux ou trois romans inachevés, un essai et des milliers de rimes sans suite, sans vers. Une boue de mots et de souvenirs qui depuis des lustres ne pesaient presque plus rien, à peine l'âme des morts dans les sarcophages.

C'était en avril 2000, je m'en souviens et la mer ce soir-là, semble-t-il, crachait un vent plus sauvage, comme si elle brassait les souvenirs des écrivains déchus de toute la planète. Odeur de parchemin, d'algues pourris, de cadavres, et de renaissances. Sac et ressac de mots perdus, venimeux, abandonnés aux tourments de la matière. Un goût amer de sel, de souvenirs séquestrés, éparpillés au vent, à l'océan, à la perte immonde et infinie.

De retour chez moi, ce soir-là, les bras légers et l'esprit dégagé, sur le pas de ma porte était posé un petit tas de feuilles numérotées, agrafées ....

Comments

Popular posts from this blog

Brothers in arms

Wilfried Martens, mort ...