Novi Sad
Novi Sad. Rien que le nom ressemble à une promesse : doux, chantant, presque poétique, évocateur.. Il y a probablement eu une vieille Sad triste puisqu'il y en a une Novi (nouvelle). Une ville de Serbie, me dit-on. Mais si j’en parle aujourd’hui, c’est parce que le hasard — ce merveilleux metteur en scène du quotidien — a décidé de s’inviter à ma pause déjeuner au Forum des Idées du Martens Centre, ici, au Renaissance Hotel de Bruxelles.
Nous sommes ici au cœur de l’European Ideas Forum 2025 : deux jours de débats, de visions, de stratégies pour l’avenir de l’Europe. Politiques, entrepreneurs, lobbyistes, journalistes, chercheurs… tous se croisent dans les couloirs, les salles de panels, les pauses-cafés animées depuis quelques décennies. Et au milieu de cette ruche d’idées, je cherche simplement un coin de table où poser mes couverts.
C’est alors que deux jeunes gens m’accueillent avec un large sourire. Ils sont Serbes.
— De quelle ville venez-vous ? leur demandé-je.
L’homme, élégant et volubile, répond sans hésiter :
— De Novi Sad.
une ville qui, à elle seule, est une mini-Europe. On y parle seize langues !
Seize langues… Je suis siderée. La jeune femme, au rouge à lèvres discret mais lumineux, s’éloigne un instant. Fugace apparition. Je me dis qu’il faudrait écrire quelque chose sur Novi Sad — ou peut-être sur ces deux-là, ambassadeurs spontanés d’une ville que je ne connais pas encore mais que leurs sourires rendent déjà familière.
À notre table, une autre participante, Magdalena, relève la tête :— Novi Sad ? s'interpose-t-elle, Oh, mais ma fille unique y a été invitée ! Danseuse, elle y avait été conviée pour représenter le Luxembourg où elle réside… au cœur du Covid. Elle raconte, avec cette voix où la fierté et l’inquiétude maternelle restent emmêlées : “Elle était seule, enfermée dans un petit appartement face au fleuve. Je devais lui envoyer de l’argent par mandat… C’était difficile à organiser, vous savez…”
Ainsi, en quelques minutes, Novi Sad s’esquisse : une ville aux multiples langues, un refuge pour artistes, un décor de fleuve, un lieu où l’Europe et les Balkans se rencontrent, se mélangent, se racontent.
Le Forum des Idées du Martens Centre est conçu pour penser l’Europe de demain. Mais parfois, l’Europe se révèle autrement : non pas dans les résultats d’un panel, ni dans un discours sur la scène principale… mais dans un échange impromptu autour d’une table, entre un plat et un café.
Novi Sad, pour moi, c’est devenu cela : un symbole de diversité tranquille, le sourire de deux jeunes gens énigmatiques, un pont entre les cultures, un fragment d’Europe à l’est, découvert grâce au hasard des rencontres dans une salle de conférence bruxelloise.
Et peut-être qu’un jour, je m’y rendrai. Peut-être y serai-je invitée pour représenter une nouvelle forme de culture, comme la fille de ma collègue. Pour vérifier si, vraiment, seize langues s’y croisent. Pour voir le fleuve où cette jeune danseuse d'ascendance grecque née à Londres et qui vit à Luxembourg regardait passer les jours du confinement. Pour retrouver le sourire de ceux qui, aujourd’hui, ont fait naître l’envie d’écrire sur une ville que je ne connaissais pas encore. Novi Sad, quel joli nom, cette ville au bord des rives du Danube sonne à mon oreille étrange et doux... comme un poème de Milosz mêlant l'ancien et le nouveau (novi).
Une amie sans doute mieux informée que moi me conseille de vérifier quand même s'il n'y a pas eu de massacre à la clé avant d'évoquer cette ville. Si ma plume ne crée pas un poème à partir d'une guerre si sauvage et multicide, si l'ingénue que j'ai toujours été ne se retrouve pas piégée dans les sons... QUI étaient ces jeunes gens séducteurs ? Peut-être des espions de l'Est, comme tant d'autres ?
Volatile, lui dis-je. Ce n'est qu'une pensée ephémère, un article de blog pour le tout venant qui n'ira jamais à Novi Sad, quelques mots d'espoir aussitôt évaporés... Et nous aussi nous disparaîtrons...
Novi Sad, perle douce au bord du fleuve clair,
où les toits rouges reflétent la lumière,
Ville où le vent effleure tes pavés délicats
Comme un souffle ancien qui murmure tout bas.
Dans tes ruelles dorment des échos de guitare,
Des rires suspendus, des promesses trop rares.
La forteresse veille, immobile et fidèle,
Gardienne des nuits bleues et des aurores belles.
Novi Sad, ton nom résonne comme un pas de danse,
Un appel au voyage, une lente romance.
Et quiconque t’approche y laisse un peu d’espoir,
Car tu portes au cœur la douceur des soirs.
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